Rechercher des coïncidences.⚓
Les séquences sont soit de même nature (même mode de jeu, même énergie ou mouvement), soit de nature différente. Dans ce cas, les séquences gardent leur caractère propre, sourdes l'une à l'autre mais l'écoute peut prendre une autre dimension, franchir un stade.
On ne recherche pas de relations contrapuntiques (point à point de caractère plus instrumental) mais le geste sur les potentiomètres contrôle la dynamique globale, les relations globales. Nous remarquons cependant aujourd'hui un retour des préoccupations de synchronisme point à point et son corollaire, le mixage-plan, en raison de la précision des logiciels.
Prenons deux objets ou chaînes acoustiques de forme simple, leur mélange résultant offre trois possibilités.
1. Fusion, interpénétration (mêmes formes énergétiques)
Couches fixes, d'amplitudes variées. Un nouveau « son » résulte de l'association de deux sons/séquences ou plus.
2. Superposition par complémentarité
Chaque chaîne garde son identité. Comme dans le cadre de l'écriture polyphonique (XII-XVIIe siècle en Europe), les couches sont audibles comme telles.
Dissociation des voies de mélange par plans d'espace différents,
3. Rejet
Effet de masque, un phénomène absorbe l'autre et l'efface, ou encore, un phénomène, en disparaissant, laisse entendre un autre, qui était sous-jacent, par une opération de démasquage. Ici intervient donc la notion de « rideau », une des caractéristiques de la conduite d'écoute acousmatique.
Francis Dhomont, Chiaroscuro, début, 1:52
Francis Dhomont, Drôles d'oiseaux (les inserts « oiseaux » masquent les changements du fond), 2:15
Paul Dolden, Veil, 1:33
Annette Vande, Déluge et autres péripéties, postlude 1 (16 canaux), réduction stéréo, 2:00
Denis Dufour, Caravaggio, 0:33
Méthode : Méthode de travail
Le mixage est un équilibre à trouver entre plusieurs essais.
On recherche l'émergence de points forts (par fusion), les relations de couleurs (trames texturées par exemple), les relations de cause à effet (par complémentarité).
Ceci peut donner lieu à certains moments à deux discours par rapprochement de fonctionnement, par exemple, deux trajets spatiaux différents avec deux matières sonores différentes, mais de mêmes durées, commençant au même instant à partir d'un seul point spatial.
L'utilisation d'un même matériau est plus facile, évidente que celle de matériaux différents. C'est la configuration la plus courante dans les compositions mixtes : mêmes sources sonores acoustiques et traitées sur le support électroacoustique.
En studio analogique
Il faut 3 machines en fonctionnement minimum (deux lecteurs, un enregistreur).
Un détail pratique : repères fixes, amorces ou essais en notant au crayon sur les deux voies de mélange. Les départs-machines synchronisés se font à partir des bords des plateaux gauches comme repères.
En studio numérique
Le mixage naît du geste, du corps. Ce moment, important à toutes les étapes du travail, celui de la construction des verticalités, des matières superposées, des phrasés continus, des mises en évidence, demande un rapport vécu, intense, immédiat, concentré sur l'écoute. Il ne peut être dépendant de la « vue sur écran » avec ses lignes d'amplitude et son geste lent, sommaire, avec la « souris » (mixage-plan). Les constructeurs l'ont compris, qui conçoivent maintenant des surfaces de contrôle gestuelles, avec des potentiomètres réels ou virtuels (sur écrans tactiles).
Conseil : Commentaires
Relation non synchrone, pas forcément de recherches de coïncidences assez banales.
Relations non déterministes sans temporalité commune (parcours, trajet, mouvement différent).
Relations d'associations.
Choisir des sons de relation moyenne (trop proche : fonction automatique, trop loin : rapports peu évidents).
Essayer des dizaines de sons, sans idées préconçues, car les êtres sonores sont imprévisibles.
Plusieurs niveaux possibles :
1. mode de jeu propre aux séquences.
2. opérations électroacoustiques : ni redondance, ni velléitaire (par action trop volontaire, excessive, sur les potentiomètres).
Placer différemment les sons dans l'espace stéréophonique ou multi-phonique.
Situation idéale : emboîtement des deux niveaux de jeu : la recherche de correspondance profonde donnant une autre signification.
Trouver les moments intéressants entre deux chaînes de même énergie, des séquences-jeux de natures semblables, par exemple : le son de la mer proche + synthèse : une même texture granulaire de son.
Si on choisit deux séquences de nature différente (mélange par complémentarité), l'écoute devient orchestrale, écoute des différences et non pas des points de rencontre.
Le mélange par complémentarité suscite un effet de dialogue et non de fusion : on joue avec les dynamiques par mise en évidence ou non d'un élément.
Le mélange par rejet suppose de la part du compositeur de jouer le rôle d'un chef d'orchestre (« un train peut en cacher un autre ») : le profil de masse d'un son ou d'une séquence de sons couvrant les tessitures de l'autre : même bande de fréquences, même site, énergie semblable, mais profil de masse différent, car si les profils de masse sont similaires, il y a effet de fusion.