L'écoute porte sur la couleur.⚓
S'il est un domaine où l'écriture des transformations spectrales électroacoustiques apporte une pierre originale et majoritaire dans le jardin des musiques contemporaines, et d'ailleurs dans le droit fil de l'évolution historique de la musique occidentale « savante », c'est bien celui-là, celui de la coloration des sons, celui du timbre, ce qu'on nomme plus généralement le « son ». Ce n'est donc pas un hasard si le XXe siècle voit naître à la fois la musique électroacoustique en studio, et la musique spectrale pour orchestre, toutes deux étant l'aboutissement d'une évolution de la musique européenne, commencée au 19e siècle, vers plus de couleurs harmoniques et chatoiements des sonorités : Beethoven, Berlioz, Wagner, Stravinsky, Ravel, Messiaen, Schoenberg et Webern (klangfarbenmelodie), Bartok, Absil, Fonteyn...
Deux familles d'opérations se partagent globalement ce vaste champ d'action.
1. Application globale fixe ou mobile d'un filtre sur le son : éliminer ou mettre en évidence les harmoniques d'un son.
2. Analyse et resynthèse de l'enveloppe spectrale du son : changer le spectre d'un son
Définition : Qu'est-ce qu'un timbre ?
Ce mot, assez vague, recouvre plusieurs facteurs : un « timbre », une couleur sonore, est déterminé par
— Le contenu spectral des harmoniques (enveloppe spectrale).
Un spectre sonore est composé d'un nombre varié, d'amplitudes variées, de différentes évolutions dans le temps des harmoniques. Cet ensemble de conditions constitue l'enveloppe spectrale.
— Les partiels, les transitoires d'attaque (inharmoniques).
Les transitoires d'attaque sont des composantes inharmoniques de durée infinitésimale, non modélisées à ce jour. Pierre Schaeffer a mis en évidence la réminiscence perceptive de l'attaque[*]. Par de multiples expériences d'écoutes aveugles avec des musiciens, il prouve que l'attaque (partiels inharmoniques) revêt une importance aussi grande pour la reconnaissance et la détermination du timbre d'un son, que ne l'est la série des harmoniques dans la résonance.
Série d'harmoniques dans un certain ordre fréquentiel qui constitue en partie le timbre. Fourier a découvert l'ordre immuable des proportions d'intervalles entre chaque harmonique. Au XIXe siècle, on ne considérait pas encore les transitoires d'attaque comme un élément essentiel du timbre. C'est au moment de l'attaque qu'il y a le plus d'harmoniques. La synthèse additive a tenté l'utopie de nouveaux « timbres » en se basant sur la série de Fourier. Il s'agit de superposer des harmoniques différents pour obtenir à partir d'une même fondamentale un timbre différent.
Types de filtres⚓
Un filtre est un ressort qui se tend et agit de plus en plus sur une zone de fréquence de plus en plus étroite.
Les paramètres décrivant un filtre sont la fréquence centrale et la largeur de bande (zone n'atténuant pas le signal de plus de 3 dB) ainsi que la qualité du filtre (sa pente Q).
Le Q est égal à deux fois la fréquence divisée par la largeur de bande. Cette formule offre l'avantage, pour une seule valeur donnée du Q, de rendre la largeur de bande proportionnelle à la fréquence du filtre (ou de plus en plus grande à mesure que la fréquence considérée est élevée).
De plus, cette disposition offre une meilleure compréhension de l'entrée en résonance des filtres : tout filtre, à mesure que la bande qu'il laisse passer se rétrécit, sympathise de plus en plus avec les sons se trouvant justement dans cette région. Leur énergie lui est communiquée, et contribue à le rendre instable : il fait entendre une sorte de traînée sonore allant jusqu'à une fréquence pure de même hauteur que la fréquence choisie (auto-oscillation). De même, un ressort se comporte comme un (ou plusieurs) filtre, dont les capacités de résonance sont utilisées dans les réverbérations de faible qualité.
Le Q détermine la tension du ressort, la force du filtre. Il détermine la pente du filtre qui se mesure en dB/octave (±15 dB/octave sur les consoles analogiques en général).
Plus le Q est élevé, plus le filtrage est précis, autour d'une fréquence centrale et plus la pente est élevée.
Si le Q est faible, le filtre est imprécis, mais il agit sur une plus large bande de fréquences.
Fixe⚓
Filtre graphique ou filtre paramétrique
Le filtre paramétrique met en évidence une seule bande de fréquence (sélection de fréquence à enlever ou à mettre en évidence). Le filtre graphique est un banc de filtres, où chaque filtre est centré sur une fréquence différente, de façon fixe (analogique) ou programmable (numérique).
Il permet de remodeler l'enveloppe spectrale globale du son.
Le filtre paramétrique (cloche, passe haut, passe bas, passe bande, bande reject) permet, comme le nom l'indique, de programmer les éléments constitutifs du filtre : les fréquences de coupure (passe haut, passe bas, passe bande, bande rejetée), la fréquence centrale et la pente (cloche).
Filtre passe haut
Coupure à 120 Hz élimine tout ce qui est en dessous de 120 Hz par exemple (= seuil fixe, qui correspond souvent à la fréquence de résonance de murs parallèles) ou mobile
Filtre passe bas
Coupure à 4000 Hz élimine tout ce qui est au-dessus du seuil fixe ou mobile
Exemple : Mobile
filtre passe bas de plus en plus grave
Filtre passe bande
On détermine la bande qui va passer entre deux seuils de 200 à 2.000 Hz
Filtres fixes et mobiles⚓
Banc de filtres
Groupe de plusieurs raies filtrantes préprogrammées.
Fixe : les fréquences centrales et leur Q sont déterminées.
Mobile : on peut choisir chaque fréquence centrale, et celles-ci peuvent bouger, groupées, dans le champ des fréquences. Le Q et l'intervalle entre chaque raie de fréquence centrale sont mobiles.
Filtre résonant
Banc de filtres passe-bande de fréquences et largeurs de bande fixes répartis de manière équidistante ou non dans une zone donnée du spectre, dont la principale qualité est de pouvoir entrer très finement en résonance avec le son traité.
Ce banc de filtres se comporte comme autant de cordes d'une harpe éolienne qui seraient mises en vibration, non par le vent, mais par les énergies du son à traiter se trouvant exactement dans les mêmes zones de fréquences.
Ce système de renforcement de fréquences n'est pas nouveau. De nombreux instruments ont été construits dès le 16e siècle avec des cordes supplémentaires, sur lesquelles on ne joue pas, qui vibrent par sympathie : sistre, chitarrone, luth théorbe. Une corde renforce l'amplitude d'une autre corde en entrant en résonance, étant accordée sur la même fréquence.
Les différentes fréquences des filtres ayant un Q élevé deviennent des oscillateurs et résonnent lorsqu'ils rencontrent les mêmes fréquences dans le son traité. On peut donc entendre une sorte d'<empreinte[*]> du son traité. Cette empreinte peut être elle-même transposée.
Filtre balayant
Autre appellation : filtre dynamique
Parcours fréquentiel d'un filtre qui creuse ou exhausse, avec la même pente, toutes les fréquences harmoniques du son. Le parcours est d'autant plus audible que la valeur du Q est élevée (filtre fixe)
Filtre en balayage : dont les fréquences évoluent dans le temps (filtre mobile)
Très utilisé dans les musiques électroniques « live », sur scène.
Filtre en peigne
Un filtre en peigne est utilisé en traitement du signal pour ajouter une version retardée du signal à lui-même, provoquant des interférences destructives ou constructives. La réponse en fréquences du filtre se présente sous la forme d'une série de pics régulièrement espacés, d'où le nom de « filtre en peigne ». Le facteur de qualité équivalent Q (la pente du filtre) est extrêmement important.
Promener un ou plusieurs balayeurs dont la fréquence varie dans le temps de façon répétitive (Fixe) et préprogrammée ou de façon aléatoire ou programmée (Mobile).
Le phasing, un son répété en très léger décalage (1 ou 2 ms) avec lui-même et le flanging (décalage plus grand, plus audible) sont deux effets provoquant un balayage plus ou moins grand, selon le décalage temporel.
Il en résulte une coloration harmonique liée au décalage temporel et aux fréquences du son originel.
Conseil : Commentaires
Cela se passe à l'intérieur de la bande passante du son originel.
Dans la nature, amplitude et spectre harmonique sont liés : un son puissant suppose plus d'harmoniques aigus
Sentir le voyage harmonique et non une manipulation (fixe) (opération sur un seul son).
Avec le filtrage, on a tendance à aller vers le grave, la coloration donne souvent un aspect plus voilé au son.
Synthèse croisée⚓
Vocoder
Forme de synthèse qui applique à un son l'enveloppe spectrale d'un autre ayant des contours précis telle la voix, au travers de canaux de synthèse dont les fréquences sont elles-mêmes fixes ou mobiles et qui apportent une couleur générale.
Il ne reste alors qu'une <empreinte[*]>, une trace de la commande
Prédiction linéaire
Instrument d'analyse et traitement par prédiction linéaire. Cet instrument, de type vocoder, effectue l'analyse des variations spectrales d'un signal, puis traite un autre signal en fonction des informations obtenues. Par rapport à un vocoder classique à banc de filtres de type VOC, l'analyse et le traitement sont effectués par un filtre unique dont on calcula la meilleure configuration possible telle qu'on puisse obtenir par traitement de bruit blanc l'image quasi identique du son analysé, à des instants successifs.
Pour comprendre qu'un seul filtre puisse rendre compte d'un spectre riche à un instant donné, il suffit de penser au cas d'un oscillateur, en général son unique, qui, modulé par un autre oscillateur, se comporte comme un son complexe et émet des partiels. Ici, le problème est inverse, puisqu'on connaît le spectre ; il s'agit de positionner le filtre tel qu'il ne laisse passer que ce spectre.
Enfin, autre comparaison avec le vocoder classique, si ici il n'est pas possible d'effectuer de translations de spectres (par décalage des filtres d'analyse et de traitement), on peut par contre varier la dimension temporelle en espaçant ou en chevauchant plus ou moins les filtres successifs.
Logiciel : Audiosculpt de L'IRCAM (synthèse croisée)
Hypothèse : Fonctions musicales
Mise en forme d'une séquence : jeu combiné avec coloration variable associée.
Jouer sur la formation interne du son : sur le spectre, jeu sur un seul paramètre, un seul type de filtre. La séquence-jeu originelle et résultante doit être relativement continue.
Mise en forme spectrographique d'une forme fixe : Sélection par rapport au spectre du son : opération de remodelage. Creuser et Illuminer.
Si, au lieu de tenir compte de la forme spectrale d'origine, celle-ci étant suffisamment riche, je la creuse et la recrée à ma volonté, je transforme l'enveloppe spectrale en un tout autre résultat. Je sculpte le son.
Le bruit blanc qui contient toutes les fréquences en est sans aucun doute la meilleure base de travail.