1. Deux figures sur fond⚓
FIGURE (saillance)
Discontinu
Morphologique (forme/matière)
Proche
Mobile
Variée
Mince
Fort
Aigu
Grain
Net
Intermittent
FOND (prégnance)
Continu
Harmonique (spectre)
Loin
Immobile
Répétitif
Épais
Doux, faible
Grave
Lisse
Flou
Récurrent
Recherche :
Soit de la différentiation entre les deux figures chacune restant en rapport avec le fond.
Soit de la fusion entre les deux figures.
Dans les deux cas, les figures se détachent bien du fond. Leurs contours sont nets, dessinés.
Exemple : Exemples sonores
Fonction musicale (en conduite d'écoute acousmatique) :
Les figures réveillent ou maintiennent l'écoute attentive.
2. Deux fonds sur figure(s)⚓
C'est une même recherche, mais le fond est plus travaillé grâce au mixage en contrepoint ou en fusion. Là ou les figures se trouvent plus « englobées », immergées dans la texture du fond. Leurs contours sont plus flous, tel un nageur sous l'eau aperçu à travers la surface de l'eau.
L'idée du rideau, chère à Pythagore et à François Bayle, qui masque et s'entrouvre sur des éléments/figures apparemment fugaces, en réalité importants, fait partie de cette technique d'écriture multicouches où la texture du fond prend plus de poids, tout en conservant sa fonction de fond, par l'existence même des figures.
Exemple : Exemples sonores
Fonction musicale (en conduite d'écoute acousmatique) :
L'ensemble crée une écoute d'ambiance (ambiophonique) plus globale, plus proche de la sensation impressionniste que de la représentation.
3. Polyphonies⚓
3.1 Le tissage, la texture
Le travail de constitution d'une toile tissée (différente d'une trame) est une expérience originale, grâce à de multiples pré-mixages (en analogique) ou à un grand nombre de pistes utilisées (en numérique). C'est une sorte de « micro-mixage ». Les éléments utilisés sont de préférence courts.
Chaque voie de mixage est faite de variations diverses d'une même énergie-matière, chaque pré-mixage travaille des rapports d'amplitude différents entre ces matériaux (ce peut être, en numérique, différentes versions de pré-mixages copiées en autant de nouveaux fichiers-sons), de même que chaque mixage final, pour refaire une tapisserie dont le grain et les dessins, intégrés dans la polyphonie, ressortent comme mus par le mouvement du vent dans une tenture tissée. Nous pourrions y voir une analogie avec les peintures de Pollock.
Le temps est non linéaire, non téléologique, sans développement.
Exemple : Exemples sonores
3.2 Le vitrail, la mosaïque.
Tout comme un vitrail est une mosaïque de couleurs contrastées et juxtaposées, la polyphonie des XIIIe et XIVe siècles est basée sur un cantus firmus extrait du chant grégorien, en valeurs longues, dont chaque changement de hauteur donne la sensation d'un changement de couleur sur laquelle se tissent les mélismes des autres voix ; ainsi, en collant, en montage catastrophe, ou par fondu-enchaîné des états variés de polyphonies tissées avec des matériaux semblables, variés par transpositions, colorations, amplitudes, disposition spatiale (si il s'agit d'une écriture multiphonique) ou profondeur de champ par exemple, ou présentant des morphologies différentes, on peut donner à entendre ces mêmes sensations de changements de couleur ou de température selon la terminologie employée par François Bayle.
Exemple : Exemples sonores
3.3 Le dessin complexe
Multiplier et superposer des figures morphologiquement très formées dans les sites aigus et médiums. Dessins actifs, dynamiques, prépondérants. La polyphonie naît du mélange de types de morphologies différents (percussion-résonance, grains, itérations, profils de masse, etc.)
Conseil : Commentaire
Le travail porte sur l'enchaînement et la superposition détaillée de chaque son. Travail de synchronisation. Il est plus précis dans le temps que le tissage/texture, qui est global.
Exemple : Exemples sonores
3.4 Les lignes et nœuds (divergence et convergence)
Jeu de lignes parallèles, de masse quelconque (mince ou épaisse) en développement continu, divergentes et convergentes vers des points de rencontre (nœuds), moments de contraction opposés au caractère des lignes, telles qu'on en rencontre dans les polyphonies primitives (organum) ou populaires (chants corses, polyphonies pygmées).
Le moment « nœuds » s'entend quand il y a changement brutal et synchrone de comportement. On le perçoit d'autant mieux s'il procède par contraste. Sa durée doit être équilibrée par rapport à ce qui le précède : trop court, il passe inaperçu ; trop long il devient lui même « ligne ».
Le jeu des divergences/convergences peut porter par exemple sur : Masse épaisse/masse mince ; Mobilité/immobilité ; Fréquences démultipliées/fréquence unique ; Sons/silence etc.
Conseil : Commentaire
La divergence suppose une évolution continue des voies de mixage dans le domaine temporel.
Exemple : Exemples sonores
3.5 Les rythmes et vitesses
Jeu de rythmes répétés et différenciés, dont les rencontres des différentes couches, chaque fois renouvelées, maintiennent l'écoute.
Rythme : découpage temporel en cellules plus ou moins longues (plus la cellule est longue plus on s'approche d'une structure par phrasés) ou répétées.
Vitesse : sensation du temps liée à son déroulement (lenteur, rapidité) engendrée par la densité, la durée des événements, souvent leur site (un son aigu paraît plus rapide qu'un son grave).
Conseil : Commentaire
Il vaut mieux bien différencier les caractères des matériaux sonores de chaque voie de mixage, afin qu'on en perçoive la polyphonie rythmique.
Le travail de la répétition par « boucles » répétées et superposées sur elles-mêmes avec des facteurs de variations divers peut également rentrer dans ce cadre.
Exemple : Exemples sonores
3.6 Les mélismes sur ostinato
Ostinato : stabilité, permanence, simplicité, répétitivité sur grande échelle temporelle (isorythmie)
Mélisme : mobilité, fantaisie, complexité ornementale, volubilité changeante.
Rencontre de deux univers opposés : celui de la fantaisie, de l'improvisation, de la liberté, de la variabilité, et celui de la prévisibilité, de la répétition, de la continuité.
Le défi est dans la cohérence, le point commun à trouver.
Domaines possibles du point commun : fréquence (site), spectre (couleur), matière, plan dynamique (amplitude), déroulement temporel (vitesse), espace.
Une autre cohérence possible sera de créer un lien temporel, une relation de cause à effet dans la transformation éventuelle de l'ostinato, ayant des conséquences sur les mélismes.
Exemple : Exemples sonores
3.7 Superposition polyphonique d'images
Constituer une icône (réaliste ou non) à partie de plusieurs i-sons[*] : un faux paysage.
Développer dans le temps les différentes parties d'une image, leurs traces, leurs di-sons. Entendre les icônes à travers leurs caractères, leurs contours, leurs traces.
Qu'est-ce qu'une image : sujet, fond, cadre et champ. Une image est informe, puis informée, contextuée. Les artifices recréent l'image dans l'illusion.
Exemple : Exemples sonores
François Bayle, Paysage, Personnage, Nuage, 1:34
Luc Ferrari, Ainsi continue la nuit dans ma tête multiple, 2:59