Cette écriture très particulière se construit en deux étapes en studio analogique, étant donné les conditions techniques, mais elle est également conseillée en studio numérique pour en faciliter le travail et son organisation.
1. Travail sur la matière : reconstitution d'un nouveau timbre à partir de la juxtaposition de très courts moments de sons différents[*] .
2. Travail sur la structuration d'une séquence par interpolations à partir de la cellule-germe de micro-montage.
Méthode : Méthode de travail
Deux étapes :
1. construire une cellule,
2. la diversifier et l'éclater
Seul le travail de la cellule est hasardeux, la séquence est intentionnelle.
1. Cellule de micro-montage (15” à 20”)
C'est un kaléidoscope : sons courts (qui, les uns par rapport aux autres, n'ont pas de sens) qui reforment une unité (par la perception) de manière aléatoire ou volontaire.
Fabriquer une cellule de micro-montage proposant un certain dessin.
Matériau : de préférence des attaques (rebond, voix...) selon trois catégories de sources sonores : inharmonique et bruit blanc, harmonique et fréquentielle, vocal parlé et chanté. La voix, productrice de sons à la fois inharmoniques (consonnes et spectraux [voyelles], modulée par une très grande variété d'attaques, est un excellent champ d'exploration par micro-montage.
Studio analogique
Bobine sonore mère (si le niveau est trop faible, on recopie avec un nouveau niveau sonore) : copier les éléments dont on va prélever les extraits.
Longueur de bande minimum : 1 cm, 1,5 cm en 38cm/sec, ce qui équivaut à 26ms-40ms, le seuil de per-ception et reconnaissance des sons.
Grossir les sons graves (spectre pauvre) en amplitude et filtre additif à partir de la banque de sons copiés
Travail propre, à la réglette.
Contrôle des motifs, des répétitions :
Marquer l'origine de chaque bout de bande (crayon blanc, sur la face extérieure), et le sens de lecture, les disposer sur une table.
Magnéto 1 = séquence mère
Magnéto 2 = recopier au fur et à mesure les sons
Magnéto 3 = fabrication de la cellule en laissant faire le hasard, ou au contraire, en contrôlant les successions sonores et/ou les durées, lesquelles peuvent répondre aussi à une progression calculée. Après obtention d'une longueur suffisante mise entre amorces, on peut écouter le résultat en cours de travail
Studio numérique direct to disc
Créer une séquence mère (15”à 20”) par collage de courts extraits de fichiers variés (20ms à 1”), lesquels sont choisis et assemblés au hasard (bien que le contrôle de l'œil sur l'écran élimine de facto une grande part de hasard), ou selon une progression calculée.
Sauvegarder la cellule sous forme de nouveau fichier son.
Studio MIDI
Mettre en forme des échantillons, choisis en divers fichiers son.
Placer les échantillons au hasard ou de façon organisée selon le type de son ou leur durée sur un clavier, un échantillon par note, sans transposition. Certains échantillonneurs permettent la superposition de plusieurs échantillons sur une même note, joués selon la vélocité, ce qui en augmente le choix aléatoire.
Jouer plusieurs improvisations, courtes, limitées à celle de la durée moyenne d'une cellule de micro-montage de 15 à 20” enregistrées dans un séquenceur à partir duquel on développera une séquence.
2. Séquence organisée
Réorganiser cette cellule par répétitions et interpolations de moments plus longs de la cellule pour lui donner un sens musical et une durée de séquence complète.
Travail d'organisation de la séquence à partir de nombreuses copies de différents extraits plus longs de la cellule mère, avec amplitudes éventuellement différentes pour lui donner du relief. Éventuellement, on peut insérer quelques silences.
L'unité générale de la séquence provient des choix selon les matières, incrustations, hauteurs, durées des extraits, amplitudes.
Développement de la cellule (germe) :
- Recopier la même cellule à différents niveaux d'amplitude, de transposition, de plans spatiaux.
- Redécouper la cellule et ses copies variées en régions plus longues que les échantillons.
- Créer le rythme à partir d'une suite d'attaques.
- Reconstituer une séquence plus longue avec répétitions, silences, structuration du phrasé.
Conseil : Commentaires
À propos de la cellule
Situation imprévisible d'où surprises à accepter.
Éviter un trop grand nombre de sons-source car le télescopage produit un effet caricatural.
Cellules pas trop longues ni trop d'éléments.
Parvenir à créer des situations différentes, pas trop de répétitions qui appauvriront les choix dans la séquence finale.
Les hauteurs (fréquences) jouent un grand rôle (aigu-grave), car elles sont immédiatement perçues, avec précision, en raison de l'acculturation de l'oreille occidentale à ce paramètre.
Les sons toniques génèrent une parodie mélodique non maîtrisée (effet « Donald Duke »).
Les sons complexes sont plus intéressants, l'idéal étant un équilibre entre ces deux catégories, dans lequel les sons toniques joueront, pour la perception, le rôle de signal pour la mémoire, rappel, déclenchement, etc.
Sans être trop formée, la cellule doit être porteuse de possibilités.
À propos de la séquence développée
Aider l'oreille à franchir sa résistance au microscopique (car elle globalise).
Explorer la cellule, changer les positions pour faire apparaître les relations terme à terme.
La cellule doit être bien analysée, on ressent une même atmosphère dans la séquence.
Pour cela, donner au microscopique une raison musicale, un sens, une justification par un repos, un glissé, un continu différent du discontinu, une transformation rythmique par les choix de durée.
Hypothèse : Fonctions musicales
1. Le micro-montage porte l'attention auditive vers une échelle microscopique de l'organisation du sonore, on a donc un effet de « zoom en avant », de pénétration tant de la matière que de son organisation.
Écoute du détail, de la relation terme à terme. Le courant bruitiste « noise » de la musique à partir des années 80 joue sur ce critère de perception.
2. Reconstituer un geste instrumental qui dépasse la virtuosité humaine
3. Établir un phrasé par insertion de moments courts en micro-montage qui servent de déclenchement, conclusion, accélération d'un flux, agitation.
4. Renforcer un sens sémantique (brisure, pessimisme, fragmentation, lambeau)