Le geste et les nouvelles lutheries dans la musique contemporaine

Communication de Vera Potapova tirée de son mémoire de Master Développement de Projets Artistiques et Culturels Internationaux (DPACI), Université Lyon 2.

L'émergence des interfaces et systèmes de captation du mouvement ont permis l'apparition d'une nouvelle esthétique liée au geste. Light Music, pièce musicale multimédia et interactive composée par Thierry de Mey (Commande d’État, 2004) est une œuvre qui témoigne de la recherche de réintégration du geste humain dans la création avec des sons pré-enregistrés.

Dans son mémoire, Véra Potapova s'attache à questionner le geste de l'interprète et l'utilisation des nouvelles technologies dans la musique contemporaine au travers de Light Music de Thierry de Mey. Lire l'article synthétisant son mémoire.

Le mouvement dans le parcours de Thierry De Mey

Thierry de Mey est un compositeur et réalisateur de films qui travaille souvent en étroite collaboration avec des chorégraphes. Par exemple, avec Anne-Teresa de Keersmaeker pour le film Rosas danst Rosas, il explore la tension entre des gestes extrêmement précis, en symbiose avec la musique, et les gestes de la respiration, « gestes courts et typés de la séduction » – la main qui lisse les cheveux, qui recouvre l'épaule...

Rosas danst Rosas, Thierry de Mey

Quand Thierry de Mey compose la musique, il part d'un geste, d'un mouvement.

Le philosophe autrichien Ludwig Wittgenstein dit que la beauté d'une phrase de Brahms, lorsqu'on ne peut plus l'exprimer par des mots, va induire un geste de la main qui constitue le fait musical. Cette référence est explicite quand Thierry de Mey explique « c'est un peu comme faire le chemin à l'envers, je ne sais pas si on va arriver à Brahms (...) mais on prend le mouvement et on voit à quelle musique on arrive; ça c'est l'intuition de départ ». Par la suite, il essaye de rechercher le regroupement de certains mouvements pour les identifier, les classer et les utiliser dans ses créations.

Il a l'habitude de travailler avec des partitions chorégraphiques comme on le voit sur l'image.

« On peut aller aussi loin qu'on veut dans la complexification des algorithmes, pourvu qu'on autorise les corps à venir les vérifier et les franchir (...) L'existence sensible du corps doit rivaliser, de plus en plus ouvertement, avec les machines, il s'agit de tenir la présence physique comme étalon du sens ».

Le mouvement du corps, pour Thierry de Mey, agit comme un révélateur de l'art et lui permet de rester sur le côté vivant de l'humain. C'est un « garde-fou » de son écriture, qui le libère des algorithmes dans la création.