La présence du corps et du geste dans la musique instrumentale contemporaine
Dans sa communication, Muriel Joubert, Prag-chercheur au département de Musicologie de l'Université Lyon 2 (E.A. Passages XX-XXI), présente sa réflexion sur l'interaction entre le corps et la musique, à travers le geste, dans la musique instrumentale, avant l'apparition du numérique.
« La voix constitue un métacorps qui aurait subi une désaliénation progressive de son obédience au corps, afin d'aboutir, avec l'opéra du XIXe siècle, à une mise à distance, un retrait, une putréfaction imaginaire et sublimée du corps proprement dit. » Danielle Cohen-Lévinas, La voix au-delà du chant, 2006, p. 66.
Selon Danielle Cohen-Lévinas, la voix utilisée dans le répertoire « savant » n'obéit plus au corps mais répond à des exigences émanant d'un contexte culturel opératique spécifique – le bel canto, par exemple – ou de choix formels d'un compositeur (l'écriture d'une fugue). Par conséquent, contraire à son ancrage naturel, la voix se détache du corps qui n'a alors plus le droit de lui signaler ses propres limites.
Dans l'écriture même de la musique, force est de constater que, des neumes – sortes de transcription de gestes vocaux – à la notation rationalisée plus tardive, en hauteurs et en rythmes, il y a une réelle perte de la présence du corps, laissant place à une intellectualisation.
Autres exemples : quand on regarde la musique de Bach, on s'aperçoit que la partie vocale génère des difficultés à son exécution car son écriture imite l'écriture instrumentale ; à partir des années 50, avec les musiques sérielles ou stochastiques par exemple, le musicien n'est plus pris dans son individualité mais il est noyé dans la masse, ce qui induit une perte de la prise en compte du corps.